Cette année, la Fédération québécoise de l'autisme a choisi Serena Bennett, une jeune femme autiste et étudiante en arts graphiques pour concevoir les affiches pour la campagne de sensibilisation pour le Mois de l'autisme.
L'ADEQ a demandé à Isabelle Faguy, femme autiste, de commenter les slogans de la campagne.
« T’as pas l’air autiste », ce n’est pas un compliment.
Certaines personnes autistes sont capables de masquer les manifestations autistiques, plus ou moins habilement, pendant un certain temps et dans certaines occasions. Mais toute personne autiste a une limite à sa capacité de masquer sa nature profonde.
Chaque personne autiste a une combinaison unique de difficultés au niveau de la communication et des interactions sociales, d’anomalies sensorielles et de déficits cognitifs. Certaines combinaisons font en sorte que la personne est peu capable de masquer ou totalement incapable de masquer.
L’autisme est davantage visible quand la personne est surchargée, stressée ou fatiguée. La personne qui est en surcharge (sensorielle, cognitive ou émotive) pourra faire des gestes stéréotypés, répéter des mots sans arrêt, être figée ou subir un effondrement autistique.
Masquer qui l'on est, c'est épuisant! Par exemple, un enfant autiste peut être capable de réprimer ses gestes répétitifs et d’imiter plusieurs comportements sociaux attendus à l’école, même si souvent il ne comprend pas pourquoi il doit avoir ces comportements. Cependant, ce même enfant fera des effondrements autistiques en soirée à la maison, aura beaucoup de mouvements stéréotypés et n’arrivera plus à communiquer. Il est épuisé de sa journée à l’école et son autisme devient apparent parce qu’il n’arrive plus à jouer un personnage non autiste. Le même phénomène s’observe chez les adultes autistes qui occupent un emploi et n’ont plus d’énergie disponible pour leur vie privée. Bref, les apparences peuvent être trompeuses.
« Les gens pensent que c’est un compliment de me dire que je n’ai pas l’air autiste. S’ils savaient ce que cette approximation de normalité me coûte en santé physique et mentale, ils ne s’en réjouiraient pas. Mes proches eux savent que ce n’est que façade, qu’un personnage de théâtre particulièrement bien joué. Je choisis de jouer mon personnage neurotypique dans certaines situations pour éviter de vivre de la discrimination ou de l’exclusion. Cependant, si mon personnage est convaincant, les gens refusent d’admettre que j’ai besoin de soutien. Et si je me bute à des difficultés invisibles, ils présument que c’est par paresse ou autrement de ma faute. J'ai deux options. Soit je suis exclue parce que j’ai l’air anormale et les gens n’aiment pas la différence. Soit je suis exclue parce que pour participer j’aurais besoin d’accommodements, d’aide ou d’accompagnement, mais on me refuse cette aide parce que mon personnage n’a pas l’air d’en avoir besoin. » - Isabelle Faguy
Finalement, dire à une personne autiste qu’elle n’a pas l’air autiste, c’est comme dire : « fiou, tu n’es pas comme ça ». C’est dire que ce serait foncièrement mal ou honteux d’être autiste. La très grande majorité des personnes autistes ne souhaitent pas devenir non-autistes. Elles souhaitent seulement que la société les accepte et leur laisse une place.
Je me sens forcée de masquer mon autisme depuis si longtemps... que je ne sais plus qui je suis vraiment
Si on masque pendant des années, on finit par oublier qui l’on est. Maxine Groves a dit (traduction libre): « Je peux me métamorphoser pour suivre les autres. C’est comme peler les couches d’un oignon, chaque couche étant une personne que je suis devenue pour m’harmoniser aux personnes que je fréquentais, des couches de jeu et d’imitation. J’essaie encore de ‘me’ trouver après des années passées à jouer et à imiter. » Lorsque l’adulte autiste prend conscience qu’il ne sait plus qui il est, souvent vers la fin de la trentaine, il vit une crise existentielle. Qui est-il? À quoi bon vivre s’il ne peut jamais être lui-même? Et des dizaines d’autres questions auxquelles il doit trouver des réponses.
Judy Endow a dit (traduction libre) : « La supposition sous-jacente est qu’il est préférable d’avoir l’air normal. Personne ne semble prendre en considération les dommages que cela cause aux personnes autistiques au fil du temps. » Dépression, anxiété, perte d’estime de soi et de confiance en soi, trouble des conduites alimentaires, troubles obsessifs compulsifs et autres difficultés de santé mentale et même physique figurent parmi les conséquences engendrées par la surcharge liée au masquage.
L’AFFA (Association Francophone de Femmes Autistes) a publié un texte sur le sujet du masquage dont voici une citation :
« Je m’étais rapprochée des autres en me calquant sur un fonctionnement qui leur est propre. Un faussaire copiant un tableau… Le style et l’inspiration ne sont pas siens, mais l’image finale peut parfois faire illusion… » Vous pouvez lire le texte complet sur le site de l'AFFA.
Une personne autiste qui n’a pas l’air autiste, ça n’existe pas. L’autisme a plus d’un visage.
À quoi ressemble une personne autiste? En fait, l’autisme n’occasionne pas de particularité anatomique visible. Les particularités anatomiques et biochimiques en lien avec l’autisme se cachent à l’intérieur du cerveau et sont donc invisibles à moins d’utiliser les techniques modernes d’imagerie médicale.
Certains d’entre nous ont été contraints pendant l’enfance à apprendre à masquer leurs comportements autistiques. D’autres sont incapables de masquer et réprimer leurs comportements autistiques, soit dans certaines situations précises, soit en tout temps.
Certaines personnes autistes ont un ou plusieurs diagnostics en plus de celui de TSA, par exemple : déficience intellectuelle, épilepsie, dyspraxie, TDA/H, trouble obsessif compulsif, trouble des conduites alimentaires, mutisme sélectif, dépression, anxiété généralisée, phobies, etc.
En plus, comme tout être humain, chaque personne autiste a une histoire de vie qui lui est propre. Certains d’entre nous ont vécu beaucoup d’événements traumatisants ou ont subi beaucoup de violence, ce qui a érodé nos seuils de tolérance aux émotions, à la fatigue et au stress.
Toutes ces particularités font que les personnes autistes sont très différentes les unes des autres.
Le fait de penser qu’il y a un seul visage de l’autisme, celui du jeune garçon blanc incapable de masquer son autisme, favorise le sous-diagnostic des filles, des femmes, des personnes LGBTQ+, des minorités ethniques, des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis et de toutes les autres personnes autistes qui ne correspondent pas à ce stéréotype.
Je ne souffre pas de mon autisme, je souffre d’une société qui n’est pas adaptée à moi.
L’autisme a été comparé aux pires maladies, incluant le cancer, par des parents, des intervenants, des gouvernements et même par des associations.
L’autisme est une variation humaine normale, qui apporte une grande richesse à l’humanité. Beaucoup de personnes autistes trouvent des avantages à leurs caractéristiques autistiques. Par exemple, leur capacité à développer de grandes connaissances et compétences dans leur(s) domaine(s) d’intérêt. Et la société pourrait tirer avantage de nos forces si elle nous acceptait de nous inclure.
Ce qui cause le plus de détresse et de tort aux autistes, ce sont l’exclusion sociale, les abus, la violence et la précarité économique et de logement dont ils sont victimes. Toutes choses qui ne sont pas inhérentes à leur autisme, mais plutôt le résultat du capacitisme endémique, c’est-à-dire de l’attitude de la société et des individus à leur égard. La définition du capacitisme sur Wikipedia.
Une vidéo qui explore le sujet du capacitisme et de l’exclusion sociale des personnes handicapées.
Le modèle du handicap MDH-PPH utilise la terminologie personne en situation de handicap au lieu de personne handicapée, puisqu’il reconnaît que la situation de handicap résulte d’une interaction entre les caractéristiques de la personne et les caractéristiques de son milieu. Bien sûr, à la base la personne présente un déficit quelconque (ex. : mauvais fonctionnement d’une zone du cerveau, amputation, etc.) qui entraîne une déficience d’une fonctionnalité quelconque du corps ou de l’esprit (ex. : difficulté à communiquer, incapacité de marcher). Mais c’est l’interaction avec le milieu, selon qu’il est adapté à la déficience de la personne ou pas, qui génère ou pas une situation de handicap. Vous pouvez lire davantage sur le modèle du handicap MDH-PPH.
Par exemple, un enfant autiste qui est hypersensible au bruit et n’arrive pas à avoir la concentration nécessaire pour s’habiller à la récréation avec le brouhaha des autres élèves est en situation de handicap. Mais si on lui permet de s’habiller dans un local silencieux, il devient capable de mettre son habit de neige et peut profiter de la récréation lui aussi.
L’autisme entraîne des déficiences qui sont le plus souvent soit invisibles, soit faussement perçues comme de la paresse, de l’opposition ou de la malveillance. Un exemple typique est justement celui de l’enfant qui « refuse de mettre son habit de neige à la récréation ». Son hypersensibilité aux bruits, la surcharge sensorielle et la détresse émotive que cela entraîne sont invisibles à l’adulte. Tout ce que l’adulte observe, c’est que l’enfant « refuse de s’habiller ».
À cause de l’invisibilité de leurs difficultés, les personnes autistes sont davantage en marge de la société que les autres personnes en situation de handicap. Par exemple, alors que le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est globalement de 60%, celui des personnes autistes est d’à peine 14%. Comment expliquer cet écart? Comment pourrait-on mieux intégrer les personnes autistes au travail? (entrevue radio de Radio-Canada)
Les personnes handicapées en général, et particulièrement celles qui ont une déficience au niveau cognitif (intellectuel) ou développemental (ex. : autisme) sont plus à risque de subir de la violence et des abus, tant à la maison que dans la société en général. Subir continuellement ou régulièrement de la discrimination, de l’exclusion et des abus de toutes sortes peut être très difficile. Cela peut diminuer la confiance en soi, l’estime de soi et couper l’envie de participer à la société. En 2018, une étude suédoise publiée dans le British Journal of Psychiatry (Tatja Hirvikoski et al Premature mortality in autism spectrum disorder. British Journal of Psychiatry. Janvier 2018) à démontré que l’espérance de vie des personnes combinant autisme et déficience intellectuelle était de 39,5 ans, par rapport à 70 ans pour la population en général. Les autistes sans déficience intellectuelle avaient une espérance de vie de 58 ans, ce qui est bien inférieur à la moyenne de la population. Cette étude rapporte ces causes principales de décès : maladies cardiaques, suicide et épilepsie. Le taux de suicide parmi les personnes autistes sans déficience intellectuelle était 9 fois plus élevé que parmi la population en général. Les personnes autistes courent aussi un plus grand risque de se retrouver à la rue (sans domicile fixe). Un article sur le sujet (en anglais - Traduction par Google)
Du côté de la violence sexuelle, alors que 20% des Canadiens hétérosexuels sans handicap disent avoir été victimes de comportements sexuels inappropriés, le ratio est de 33% pour les Canadiens hétérosexuels avec handicap. Parmi la population sans handicap s’identifiant LGBTQ+, 43% déclarent avoir été victime de comportements sexuels inappropriés. Chez les personnes avec handicap et s’identifiant LGBTQ+, le ratio est de 62%. Une étude a mis en lumière que 90% des femmes autistes et 78% des adultes autistes (tous sexes et genres confondus) ont subi des agressions sexuelles.
Les personnes autistes vivent beaucoup plus d’événements négatifs tout au long de leur vie. Le Centre de recherche sur l’autisme de l’Université de Cambridge a publié une étude à ce sujet et a mis au point une mesure appelée le « Vulnerability Experiences Quotient ». Ces mauvaises expériences à répétition font que rendu à l’âge adulte nous considérons les situations sous un angle passablement plus pessimiste que les adultes neurotypiques et sommes sujets à la dépression chronique, à l’automutilation, aux dépendances et à toutes sortes d’autres difficultés.